lundi 28 novembre 2011

La publication Open Access : juste et efficace ?

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J'y connais rien en économie, mais j'aime bien la publication Open Access. Ce qui veut dire que les auteurs (ou plutôt leur université ou financement de recherche) payent les frais de publication, et ensuite les articles sont disponibles à tous gratuitement. Ca veut dire que ceux dont les impôts ont payé la recherche peuvent la lire s'ils veulent.

Alors j'aime bien une analyse simpliste qui dit que les seuls profits des éditeurs privés pourraient couvrir tous les frais de publication Open Access. Vos impôts et dons leur permettre permettent de dégager plus en profit qu'ils ne devraient faire de chiffre d'affaire, et après ça vous n'avez pas accès aux résultats. Moi je trouve ça dégoutant.

jeudi 24 novembre 2011

UC Davis incident du gaz au poivre, mises à jour


J'ai mis quelques notes à ce propos sur le blog de Tom Roud.

Point important à noter, la présidente de l'université s'est excusée, et a dit que l'université couvrira les dépenses médicales (très important aux Etats-Unis) :
"Katehi directly apologizes and says charges will be dropped and medical expenses will be covered"
(via les tweets via le blog de Eisen).

Au fur et à mesure qu'il Puis s'il y a du nouveau, je mettrais mets à jour ce post.


mardi 22 novembre 2011

Indignés, gaz au poivre et prof bloggueur à Université de Californie Davis

Georges Brassens chante Hécatombe (j'ai pas trouvé de dessin rigolo)

Il y a eu une répression violente de manifestants étudiants à l'Université de Californie, Davis (UC Davis en abrégé) ce vendredi 18 novembre (voir par exemple cyberpresse.ca). Les évènements ont été filmés, et du coup de nombreuses personnes qui seraient a priori plutôt enclines à croire la version de la police et de la direction n'ont pu nier ce qui s'est passé, et réagissent.


Notamment, Jonathan Eisen, professeur à UC Davis, microbiologiste, biologiste évolutif, bioinformaticien, et inventeur du mot phylogénomique, est l'auteur d'un blog qui est suivi par pas mal de monde, dont moi, normalement pour son contenu scientifique. Il tweete aussi beaucoup, et tout ça.


Alors lorsqu'il a découvert ces évènements, ça l'a beaucoup choqué, notamment parce qu'il est plutôt du genre à soutenir la direction de l'université et à avoir plus de compréhension pour la police que pour les manifestants. Eh oui, avoir la preuve de la brutalité sous les yeux, non filtré, ça fait une différence. Du coup il a réagi, sur son blog.


Et comme beaucoup d'autres profs et autres acteurs de la scène universitaires n'ont pas des blogs, eux, il s'est retrouvé dans le rôle inattendu de relais des évènements qui se sont précipités. Il a ainsi posté sur son blog de nombreuses réactions de collègues, allant de la retenue triste et grave aux appels indignés à la démission de la rectrice (= présidente) de UC Davis.

Parmi les posts intéressants, on peut noter :
  • Une lettre de la Faculté des études féminines et de genre (oui bon on est en Californie) qui proteste de ce que la rectrice a prétendu que la violence en question, c'était pour protéger les femmes.
  • Un compte-rendu détaillé de la journée de mardi. Un truc frappant, vu d'Europe centrale : la proportion énorme d'étudiants et profs qui sont d'origine asiatique ou autres non WASP.
Un autre truc frappant c'est à quelle vitesse quelqu'un de bien établi comme Eisen est passé d'un regard plutôt conservateur à la participation à une manif. Je pense que les adminstrateurs d'universités sous-estiment encore l'impact que l'internet a, non seulement parmi les jeunes étudiants, mais parmi les professeurs. Voir aussi les collègues très établis qui lui ont laissé (ou demandé de) mettre leurs lettres sur son blog.


Par ailleurs, le frère de Jonathan Eisen, Michael Eisen, est aussi biologiste évolutif connu, et parle un peu des évènements à UC Berkeley, où il est prof, sur son blog.

Finalement, parce que les scientifiques doivent comprendre, c'est plus fort que nous, il est intéressant de voir que sur le blog des éditions PLoS (Public Library of Science, pionniers de la publication ouverte et de qualité, et co-fondé par les frères Eisen entre autres), il y a un post très intéressant sur le gaz au poivre (page wikipedia francophone minable, voyez plutôt l'anglais), sa composition et ses conséquences. Lire aussi les commentaires sur le blog de PLoS, certains très intéressants ; et le post suivant, sur la façon dont la chaîne ultra conservatrice Fox News en parle comme d'un "aliment". Youtube n'empéchera pas les cons de préférer la propagande.

lundi 21 novembre 2011

Signes que je suis vieux


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  • Je trouve que c'est cool d'avoir un blog.
  • Je n'ai pas de compte Twitter.
  • J'ai une montre au poignet.
  • Je reçois des CVs de gens nés après que je soit entré à la fac.
  • J'ai fait du séquençage d'ADN manuel sur gel d'acrylamide (et les jeunes ne savent pas la chance qu'ils ont de ne plus en faire).
  • Bioinformatics s'est appelé Computer Applications in Biological Sciences (CABIOS), je m'en souviens.
  • J'ai gardé mon numéro de Nature et mon numéro de Science avec le génome humain.
  • J'ai passé une fois une journée à soigneusement ré-arranger mes photocopies d'articles scientifiques.
  • J'ai utilisé Altavista pour faire des recherches web.

vendredi 18 novembre 2011

La fable du joueur, de la protéine et de l'ordinateur

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L'an dernier, un article du groupe Baker (Université de Washington - l'état pas la ville) a fait beaucoup de bruit, en permettant à des joueurs de jeux vidéo en ligne de résoudre des problèmes de modélisation moléculaire. La modélisation en question consiste à prédire la structure tridimensionnelle (voir ci-dessous) d'une protéine à partir de sa séquence en acides aminés (du style MTMTLHTKAS...). C'est un problème computationnellement très difficile, qui est pourtant résolu dans la cellule en quelques secondes des milliers de fois par jour. Et dans beaucoup de cas, la structure 3D de la protéine est plus pertinente à sa fonction que sa séquence.

exemple de structure tri-dimensionnelle du récepteur à l'œstrogène, dont la séquence est donnée en exemple ci-dessus.
zoom qui montre l'œstrogène fixé au récepteur dans la structure

Soit dit en passant, ça n'est pas forcément aussi simple qu'on pourrait l'espérer, la relation structure-fonction des protéines. Il y a quelques années, on a lancé des projets de "génomique structurale", basés sur deux idées qui se sont révélées très naïves : (1) que comme pour le séquençage d'ADN, ça serait possible en dépensant assez d'argent d'automatiser la résolution expérimentale des structures protéiques, et passer à grande échelle ; en fait de dizaines de milliers, on a plutôt résolu des centaines de structures, péniblement. (2) Que la structure d'une protéine de fonction inconnue nous apprendrait sa fonction ; dans la très grande majorité des cas, ça ne nous apprends presque rien malheureusement (bon là je simplifie un peu - ça ne nous apprends pas tout-à-coup la fonction comme on l'espérait, mais ça nous fournit un indice de plus, parfois précieux).

Même quand ça n'est pas très simple, la structure est souvent utile, par exemple pour trouver des similarités entre protéines apparemment très différentes, prévoir des ligands (genre l'œstrogène se fixe au récepteur à l'œstrogène - y en a des plus sioux), ou aider à déterminer des traitements actifs sur ces protéines.

Le laboratoire Baker avait déjà fait parler de lui plusieurs fois. D'abord, c'est leur algorithme Rosetta qui gagnait toujours les concours de prédiction informatique de structure CASP. Ensuite, comme cela demandait toujours plus de puissance de calcul, ils ont lancé Rosetta@home, qui permet de prédire des structures sur les ordinateurs des particuliers. Puis en 2008, ayant observé que l'algorithme automatique avait des limitations qu'ils ne parvenaient pas à dépasser, ils ont lancé leur jeu vidéo en ligne et en réseau, Foldit. Celui-ci à eu un immense succès, faisant d'excellents score à CASP, même si la plupart des joueurs ne sont pas biochimistes tant s'en faut, et ayant récemment permis la résolution d'une structure de protéine virale qui avait résisté à tous les efforts des biochimistes.

Et bien la boucle est bouclée. Ils ont maintenant analysé les stratégies gagnantes des meilleurs joueurs, qu'ils ont recodées dans un nouvel algorithme ! Lequel marche très bien, qu'attendiez-vous d'une telle équipe ?

Alors en fait, comme expliqué aussi dans Wired, c'est un peu plus compliqué et plus rigolo que ça (moi je trouve ça rigolo).

Pendant ce temps, d'autres membres du labo Baker développaient un nouvel algorithme, Fast Relax, qui cherche la bonne structure en permettant à la protéine de se contracter et s'étendre alternativement (inspirereeez, expireeeez...). Or les deux stratégies gagnantes des joueurs (Quake et Blue Fuse) font exactement cela. Ils ont mis Quake et Blue Fuse en concurrence avec Fast Relax. Au bout de 2 min, Quake et Blue Fuse obtiennent un très bon résultat, que Fast Relax n'atteint qu'en 4 min. Mais après, les stratégies des joueurs arrêtent d'ameliorer, alors que l'algorithme conçu de novo par les chercheurs continue et améliore encore.

Donc les humains sont malins, mais les ordinateurs sont plus patients, alors ils gagnent. Mais cela, vous le saviez déjà, non ?

Il y aura une suite : ils ont modifié FoldIt pour permettre plus facilement aux joueurs de faire aussi bien voire mieux que Fast Relax.

Enfin, une dernière note pour signaler une discussion intéressante sur un blog (en anglais) qui met ceci dans le cadre plus large de la "science citoyenne" et du déluge de données, de la biologie à l'astronomie à la géographie. Par exemple pour décrire des galaxies ou décrypter des manuscrits anciens.

ResearchBlogging.orgKhatib, F., Cooper, S., Tyka, M., Xu, K., Makedon, I., Popovic, Z., Baker, D., & FoldIt Players (2011). Algorithm discovery by protein folding game players Proceedings of the National Academy of Sciences DOI: 10.1073/pnas.1115898108

vendredi 11 novembre 2011

Ecureuil à dents de sabre, enfin la vérité !

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L'écureuil ridicule de la trilogie Ice Age a été identifié, mais il ne mangeait probablement pas des glands.

En effet un fossile de mammifère ancien à l'aspect superficiel d'un écureuil avec de très longues canines a été retrouvé, datant de la fin du Crétacé. C'est-à-dire il y a environ 100 millions d'années, avant la disparition des dinosaures. D'ailleurs il ne s'agit ni d'un ancêtre à nous, ni d'un ancêtre des écureuils, mais d'un groupe de mammifères ayant disparu en même temps que les dinosaures. Donc il n'a pas vécu en même temps que les mammouths.

cliquez pour l'article d'origine
Vous n'avez jamais trouvé ça bizarre, l'idée qu'il mange des glands avec des dents pareilles ? Bin les paléontologues aussi, ils pensent que c'était un insectivore. Je serais un insecte, j'aurais peur.

cliquez pour le commentaire dans Nature

vendredi 4 novembre 2011

A qui est ce génome dans la vitrine ?

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Un papier récent rapporte le premier génome d'un aborigène d'Australie. Les résultats sont intéressants, et indiquent que les aborigènes sont partis d'Afrique il y a environ 62'000 à 75'000 années, sont donc bien le groupe humain qui est depuis le plus longtemps hors d'Afrique, et aussi qu'ils se sont mélangés  aux denisoviens en chemin.

Mais ça n'est pas de cela que je veux parler aujourd'hui.

L'ADN a été séquencé à partir d'un échantillon de cheveu préservé dans un musée, collecté sur un aborigène dans les années 1920. L’université de Copenhague, qui coordonne le projet, a considéré qu'il s'agit d'un échantillon archéologique et non biologique, et donc non soumis à autorisation du comité d’éthique. Mais un collègue australien, ayant vent du projet, a signalé aux danois que les aborigènes sont très sensibles à l'exploitation de leur patrimoine génétique, et qu'il fallait faire attention. Les chercheurs danois ont donc identifie la région d’où venait probablement le donateur, et ont demandé et obtenu l'autorisation du comité tribal représentant les aborigènes de la région. Ils ont déclaré que si le comité tribal avait dit non, ils auraient arrêté la publication du génome. Certains australiens trouvent qu'ils ne sont pas allés assez loin, dans la mesure où l'information dans ce génome engage tous les aborigènes. Histoire complète en anglais et probablement d’accès payant, sur le site de Nature.

Ceci a donne lieu à un débat anime sur des blogs de scientifiques :

Razib Khan (Discover magazine) est outragé que les auteurs du papier aient demandé au conseil tribal. Et d'une, il ne voit aucune légitimité au concept de tribu, et considère que seuls les individus existent. Et de deux, il ne pense pas qu'il faille en général demander l'autorisation de qui que ce soit avant de rendre public un génome, sauf de l'individu concerne (s'il est vivant). Dans un cas extrême, il pense que c'est OK pour un individu d'une paire de jumeaux de rendre public son génome sans demander l'autorisation à l'autre jumeau, qui partage exactement le même génome (on suppose que ce sont de vrais jumeaux), à quelques erreurs de copie près.

Il note deux points à ce propos. Un, qu'avec le progrès des technologies, de toutes façons tout ce qui peut être séquencé le sera. Il suffit d'un donneur, un échantillon, ou même un ensemble de blancs avec une partie de leur généalogie aborigène. Deux, qu'avec l’état actuel de notre connaissance du génome, une séquence ne dit somme toute pas grand chose sur un individu. Je trouve ce point très dangereux, parce qu'une fois qu'une séquence est publique, elle le reste, tandis que notre pouvoir prédictif base sur ce génome augmente. Si vous rendez votre génome public aujourd'hui, on ne peut pas dire grand chose sur vous. Mais dans 2 ans ou 5 ans ou 10 ans, on pourra peut-être (probablement) en dire beaucoup plus.

Rasmus Nielsen (célèbre biologiste de l’évolution et co-auteur du papier original) défend l'approche prise en considérant d'une part qu'il y a un biais culturel, Razib ayant un point de vue individualiste typiquement américain (il ne dit pas quel est le point de vue alternatif ; communautaire européen ?). Il pense fortement que dans la mesure où il y a une longue histoire négative des interactions entre scientifiques européens et peuples non européens objets d’étude (vous avez vu, j'ai réussi à éviter d’écrire "indigènes" !), il faut faire particulièrement attention. Et dans la mesure où dans ce cas particulier l’individu ni ses descendants ne pouvaient être identifies, le conseil tribal était la meilleure autorité avec laquelle discuter. Rasmus est d'accord avec Razib sur le fait que la séquence serait éventuellement disponible, mais ne voit pas cela comme une raison de ne pas essayer de faire au mieux aujourd'hui. Je suis totalement d'accord. D'autant que reconstruire la confiance entre scientifiques et non scientifiques me parait un objectif majeur.

Cela laisse ouverte la question : si un aborigène individuel avait donne son ADN et son consentement, le conseil tribal aurait-il été consulté ? L'information obtenue aurait été sensiblement la même. Question proche de celle posée par les chercheurs et militants australiens, qui trouvent qu'une consultation plus large des aborigènes aurait du être menée.

De manière intéressante, Razib reconnait le problème de déshumanisation passée, et fait remarquer que lorsque l'on a découvert que l'ADN des européens montre un mélange passé avec les néandertaliens, cela n'a pas posé de problèmes, car il n'y a pas d'histoire récente de déshumanisation des européens. Mais pour lui c'est un argument pour traiter les aborigènes de la même manière que les européens. En quelque sorte, il a une vision a-historique des individus, ce qui est cohérent quelque part avec sa vision a-communautaire (ça me rappelle une blague suisse : dans l’appellation Suisse alémanique, le "a" est privatif).

Larry Moran sur Sandwalk (prof de biochimie cité dans le billet sur l'oignon) rebondit sur l'exemple des jumeaux, fortement en desaccord. Il pense qu'il faut demander à toute sa famille proche avant de rendre public son génome. Vos frères, soeurs, parents et enfants ont 50% de chances de partager une mutation que vous portez en simple copie (1 chromosome sur 2), et sont surs de porter au moins en simple copie une mutation que vous portez en double copie (les 2 chromosomes, on dit aussi homozygote). Razib a répondu en mettant cela dans un cadre très légaliste : il pense que l'approche de Larry et Rasmus implique de légiférer, et cela, en défenseur acharné des droits individuels, il est contre. Mais il me semble justifié de légiférer dès lors que l'exercice de la liberté des uns empiète sur la liberté des autres. Si je publie mon génome, cela implique effectivement des conséquences potentielles graves pour ma famille proche, et leur avis devrait être pris (certains de mes lecteurs seront rassurés de lire cela). Si je suis trop asocial pour comprendre cela, la communauté, via le législateur, me semble justifiée à intervenir.

La où je suis moins positif, c'est sur le rôle du conseil tribal. Je suis d'accord avec Rasmus et les autres auteurs que dans ce cas-ci c’était une bonne approche. Mais je suis d'accord avec Razib et d'autres qu'il faut se méfier de donner trop de pouvoir à de telles structures. Si un savoyard publie son génome, faut-il demander au conseil général de Savoie ? Qu'en pensent la Haute-Savoie et le Val d'Aoste ? Exemple rigolo, mais s'il s'agit d'un basque les enjeux politiques et culturels deviennent réels. A discuter pour la prochaine fois.