vendredi 1 juillet 2011

Une expérience élégante sur l'évolution de la régulation des gènes

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Il y a certaines questions qu'il peut paraître difficile de résoudre de manière expérimentale directe. Souvent, c'est vrai que c'est difficile. Par exemple savoir quelles forces ont agi dans l'évolution passée des espèces. Mais ça n'est pas pour autant que c'est impossible. Voici une expérience récente que je trouve élégante dans laquelle les chercheurs se sont demandés si la sélection naturelle avait influencé de manière importante l'expression des gènes.

Quand on parle de l'expression d'un gène, on veut dire que le gène est actif dans certaines circonstances, ou à un certain endroit. Par exemple si un gène est exprimé dans le foie, cela veut dire que le produit de ce gène est fabriqué dans le foie (le produit c'est souvent une protéine, mais peu importe pour le moment). Le gène est présent dans toutes les cellules, tout le temps, mais dans beaucoup de cas il n'est pas actif, en d'autres termes pas exprimé.

En fait, l'expression n'est pas un tout-ou-rien. Un gène peut être faiblement exprimé, ce qui conduit à peu  de produit ; ou fortement exprimé, ce qui conduit à beaucoup de produit. Dans de nombreux cas, c'est le changement de niveau d'expression qui est important pour le fonctionnement du gène. Un peu comme un changement de niveau d'adrénaline est plus important que la simple présence de l'adrénaline dans votre sang.

Au niveau de la variation naturelle qui est le carburant de base de l'évolution, on observe qu'il existe de nombreuses différences de niveau d'expression entre gènes orthologues entre espèces, même proches. Alors la question posée est : est-ce que les différences de niveau d'expression observées entre espèces proches sont dues à la sélection naturelle, ou au hasard ?

Le principe de l'expérience élégante de Fraser et al. (et al. ça veut dire "et co-auteurs") est le suivant : la sélection naturelle pousse l'évolution dans une certaine direction, par exemple des poils plus longs pour un animal qui vit dans le froid, alors que l'alternative est que les changements s'accumulent au hasard, sans effet sur la survie et la reproduction, donc sans direction particulière.

Fraser et al. ont comparé l'expression de gènes entre sous-espèces de souris. Ils ont détecté les gènes dont l'expression diffère entre sous-espèces. Ils ont utilisé des croisements (ce sont des sous-espèces, pas des espèces, on peut les croiser) pour vérifier que les variations étaient dues à des mutations différentes. Parce que si des gènes sont contrôlés par la même mutation, ils vont varier dans la même direction, mais ça ne veut rien dire sur la sélection. Il faut une variation cohérente de mutations indépendantes. Ils ont ensuite cherché des gènes qui sont actifs dans la même fonction (par exemple des gènes qui contrôlent la mémoire de la souris), et qui varient dans le même sens. Ils en ont trouvé plusieurs statistiquement significatifs, qui montrent de la sélection notamment sur la mémoire et la longueur des souris.

Tout cela pour dire que si on s'y prend bien, on peut tester rigoureusement des hypothèses sur la sélection naturelle qui a affecté l'expression des gènes dans le passé de la divergence entre sous-espèces. Et plus si affinités.

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